LE VOYAGE SURRÉALISTE DU COLLECTIF 8 SUR L'ÎLE DES ESCLAVES
Après une première semaine de représentations au Théâtre Anthéa (Antibes), nous partageons avec vous aujourd'hui un très bel article rédigé par Natja Igney pour Riviera Buzz à propos du spectacle. Les photos qui l'accompagnent ont été réalisées Meghann Stanley. Nous vous attendons jusqu'au 24 novembre pour vous faire découvrir la nouvelle création du Collectif 8... Cette semaine, retrouvez-nous mercredi 15 novembre à 21h, jeudi 16 novembre à 20h30, vendredi 17 novembre à 21h et samedi 18 novembre à 21h, salle Pierre Vaneck.
"L’Île des Esclaves, l'une des pièces phares de la littérature française classique, est magnifiquement rénovée au gout du 21ème siècle par les mains habiles de Gaële Boghossian.
A l'heure actuelle, il n'y a plus aucun amateur de théâtre dans le sud de la France, et peut-être dans tout le pays, qui ne connaisse et n'adore le travail du Collectif 8. La compagnie d'Antibes va de succès en succès, de triomphe en triomphe, et même lorsque l'on pourrait penser qu'ils ont atteint leur apogée, ils parviennent encore à nous surprendre à nouveau. Leur production actuelle, L'Ile des Esclaves, marque une nouvelle étape dans la discipline du cinéâtre - ou confluent cinéma, théâtre et musique - qu'ils créent et maîtrisent comme personne d'autre dans l'hexagone.
Écrit en 1725 par Marivaux, l'un des auteurs français les plus influents de son temps, l'histoire est basée sur une prémisse simple, qui pourrait sembler désuette, mais qui est pourtant toujours d'actualité dans le monde moderne.
Naufragés sur l'île des Esclaves, un endroit où les maîtres et les esclaves inversent les règles, Iphicrate et son esclave Arlequin, et Euphrosine et son esclave Cléanthis sont contraints de changer de rôles par Trivelin, le souverain juste et bienveillant de l'île. D'abord enivrés par leur liberté et leur pouvoir retrouvés, les ex-esclaves finissent par pardonner la cruauté et la frivolité de leurs anciens maîtres, et tous acceptent de revenir à leurs rôles antérieurs dans des conditions plus équitables. En conclusion, Trivelin révèle que si Arlequin et Cléanthis n'avaient pas pardonné à leurs maîtres, ils auraient tous été punis.
L'Île des Esclaves est une pièce intemporelle qui aurait pu être pertinente dès l'Antiquité, puis à nouveau lors du 18ème siècle durant lequel elle a été écrite, et qui l'est encore de nos jours. Quelles sont les utopies d'aujourd'hui? Comment l'homme peut-il rêver à de nouveaux mondes, de nouvelles règles sociales, de nouvelles expériences impliquant l'esprit humain? A travers cet étrange miroir reflétant l'état du monde, Marivaux nous fait assister à la tragicomédie de l'humanité à travers une réflexion universelle sur la paix sociale et l'équilibre. La pièce se déroule jadis, mais de notre point de vue moderne, pouvons-nous vraiment prétendre que nous avons aujourd'hui aboli les préjugés sociaux, l'exclusion et la discrimination, alors que nous sommes toujours inconscients de notre vanité et de la perversion de nos coeurs? Voilà les questions que la metteur en scène et dramaturge Gaële Boghossian cherche à explorer.
L'Île des Esclaves est une pièce sur l'honnêteté, la réflexion, le pardon et la générosité, des qualités si insaisissables et pourtant si nécessaires dans nos temps troublés. Exceptionnellement, Gaële Boghossian n'est pas elle-même sur scène mais dirige plutôt les quatre acteurs remarquables (Noémie Bianco, Mélissa Prat, Benjamin Migneco et Laurent Prévot) - qui livrent des performances impeccables et irréprochables - et prête sa voix au personnage virtuel de Trivelin. La scénographie est clairsemée, un simple assortiment de boîtes représentant des rochers sur une plage, animés par le jeu extrêmement physique des acteurs, l'incroyable travail de lumière de Samuèle Dumas, les effets acoustiques dramatiques de Benoît Berrou et la vidéographie toujours étonnante de Paulo Correia. Tout est délibérément sur-esquissé, surréaliste, rêveur ... et à la fois il est facile de s'identifier aux personnages si humains.
Déjà florissant sous la direction avisée de Daniel Benoin alors qu'il était encore directeur du Théâtre National de Nice, le Collectif 8 prospère désormais au Théâtre Anthéa à Antibes depuis 2014. La compagnie fondée autour de Gaële Boghossian et Paulo Correia, avec un vivier d'acteurs de premier ordre, s'est taillé une première place en France dans le domaine du mélange multidisciplinaire et visionnaire des arts de la scène. Une compagnie théâtrale dont notre région peut légitimement être fière et qui suscite un engouement partout où elle va. Pour l'instant, ils jouent L'Île des Esclaves au Théâtre Anthéa jusqu'au 24 novembre. Mais le Collectif 8 tourne fréquemment ses grand succès dans la France entière et nous espérons sincèrement les voir produire leur théâtre d'avant-garde français à l'étranger en 2018 - ce que la troupe et le public étranger mériteraient largement." NATJA IGNEY - Riviera Buzz